Le deuxième tour de la présidentielle ? Evacué en une phrase : "On fait comme Marine, on vote blanc". Autour de la table du restaurant, à Saint-Moré dans l'Yonne, samedi 5 mai, où sont réunis des élus et des militants Front national, on est déjà passé à l'étape suivante : les élections législatives.
Edouard Ferrand, Richard Jacob et Claude Dassié qui représenteront le FN dans les trois circonscriptions du département, sont convaincus qu'ils ont "une belle carte à jouer". "L'enjeu des législatives, il sera là : France des villes qui encaisse et qui ne paie pas et France des champs qui paie et n'encaisse pas", observe Richard Jacob.
Marine Le Pen a obtenu 23,68 % des suffrages dans l'Yonne. Dans de nombreuses communes, son score dépasse nettement 12,5 % des inscrits. Si les candidats du FN réussissent la même performance, il y aura des triangulaires au second tour. "Et là, tout est possible", observe Edouard Ferrand.
On en était à la tête de veau sauce gribiche, lorsque l'on a posé la question du changement de nom du parti. Edouard Ferrand, conseiller régional et membre du bureau politique du FN, a haussé les épaules. "C'est vraiment un débat accessoire." Richard Jacob, conseiller municipal d'Auxerre, a éludé : "Rassemblons d'abord, ensuite on verra".
C'est Nelly, une ex-secrétaire, aujourd'hui retraitée, qui a lancé la première : "Moi, j'aimerais vraiment qu'on change de nom. Parce que Marine est très différente de son père". Du coup, Florence, une enthousiaste recrue récente du parti, s'est lancée, elle aussi : "C'est évident qu'il faut changer. Tous les autres partis l'ont fait un jour."
François, le doyen de la table, qui est venu avec son épouse Blanche - future suppléante de Richard Jacob et "descendante directe du maréchal Davout", comme on nous l'a présentée - n'est pas du tout d'accord. "Moi, je suis contre. Je pense qu'il n'y a aucune raison de changer de drapeau pour faire plaisir à l'adversité. Il faut persévérer et ne pas céder sur ce qu'ils nous reprochent".
Quand on lui demande depuis combien de temps il milite au Front national, il répond, bravache : "Je vais dire depuis 1954, quand ma mère m'a emmené à ma première manif à Alger !"
Edouard Ferrand aimerait bien que l'on ne s'attarde pas trop sur ce sujet sensible du changement de nom, et tout le non-dit qu'il porte, entre anciens militants et nouveaux arrivants, fidèles du père et partisans de la fille, identité et dilution. Mais le débat enflamme les convives.
Christian Jacob s'agace : "On a mis trente ans à être reconnu sur le plan politique et, comme ça, d'un coup de dé, on prendrait le risque de perdre cet acquis ? Désolé, mais c'est comme dans le mariage, c'est aux autres de prendre notre nom, pas à nous de changer".
Nelly tient bon : "Mais Richard, il y a trente ans, c'était Jean-Marie, aujourd'hui c'est plus lui, c'est Marine !"
Richard Jacob : "Ce n'est pas l'étiquette qui compte, c'est ce qu'il y a dedans !".
Nelly : "Oui, mais moi, je vote pour Marine !"
François : "Si on se met à voter sur de l'émotionnel, maintenant..."
A l'autre bout de la table, Philippe, garagiste et militant depuis cinq ans, ose timidement : "Ce serait pas mal de rénover le nom, un nom plus jeune qui donne des couleurs, un nouveau sens. Ça fera la distinction entre son père et elle..."
Assis à sa gauche, Gérard, militant depuis 89, ancien para reconverti dans le transport routier, hoche la tête en signe de dénégation. "Moi, je préfère Front national. J'ai voyagé pendant des années avec Jean-Marie..."
Blanche, restée silencieuse jusqu'à présent, intervient à son tour : "L'important, c'est que ce soit un enfant qui reprenne le flambeau. Le changement de nom, je trouve ça très secondaire".
Richard Jacob : "Le vrai débat, c'es t: ou on s'affirme sur ses idées, ou on se noie dans le collectif".
Nelly : "Mais il faut bien qu'on soit collectif. Moi, par exemple, si j'apporte des idées..."
François la coupe : "Il faut qu'il y ait un chef qui commande".
"Absolument !, s'exclame Richard Jacob, le collectif, c'est mou et avec ça, on n'arrive jamais à rien ! C'est un honneur pour moi d'être élu, militant, ou sympathisant Front national."
Nelly tente, encore une fois : "Mais avec Marine, c'est un renouveau..."
"Soyons amoureux de notre pays, c'est la seule chose qui compte", lance Richard Jacob.
Fondant au cholocat, crème caramel, marc de Bourgogne. Il lève son verre. Entonne le "ban bourguignon", puis enchaîne avec les chants de parachutistes. Fin du débat.
Richard Jacob et les autres chanteurs en live, c'est ici :
La prière du parachutiste.
Et nos marches guerrières feront frémir la terre.
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