« Nous avons beaucoup de choses à dire sur l’agriculture, et pas seulement sur la sécurité ou l’immigration ». C’était ainsi au tour du Front National d’organiser le 8 février une conférence de presse sur la situation de l’agriculture française. « La crise est grave. Le gouvernement et l’Europe en sont responsables. Aucune mesure significative n’a été prise », a affirmé Philippe Loiseau, eurodéputé membre de la commissaire agricole du Parlement européen (Comagri) et céréalier en Eure-et-Loir.

Cadenasser la distribution et refaire la Pac

 

Le Front National propose dix mesures d’urgence pour faire face à cette crise. Des mesures que ses élus veulent novatrices mais ne sont pourtant pas très originales : mettre en place l’étiquetage obligatoire de l’origine de tous les produits alimentaires, imposer l’utilisation de produits français dans les cantines, mettre fin aux sanctions contre la Russie, faire respecter la loi à une grande distribution surpuissante, mettre en place des mesures de gestion de crise efficaces (stockage et aides à la limitation de la production). Le 3 février, Nicolas Sarkozy, pour Les Républicains, déclinait à peu près la même liste de propositions. Et le gouvernement actuel a beaucoup de ses mesures en chantier, lorsqu’il ne s’y est pas cassé les dents.

 

Mais le FN promet de « taper du poing sur la table »… plus fort. « Nous devons faire comme David Cameron en Angleterre, qui négocie des choses bien plus importantes », a souligné Gilles Pennelle, président du groupe Front national au conseil régional de Bretagne, venu témoigner de la mort prochaine de l’élevage breton. « Aujourd’hui, l’urgence est de renégocier avec l’UE et de ne pas proposer un énième plan d’urgence. Le problème, c’est que le gouvernement se couche devant Bruxelles alors que l’on aurait les moyens d’obtenir des mesures d’urgence », a-t-il insisté. « Seule une politique qui sortira de la Pac nous permettra de reconquérir l’indépendance alimentaire et de sortir de la malbouffe américaine », a renchéri Edouard Ferrand, eurodéputé membre de la Comagri et chef de la délégation des députés FN/RBM au Parlement européen. Mais impossible de savoir quel serait le contenu de cette politique renationalisée. De là à quitter l’UE… la position des élus du FN n’est pas claire.

Stopper le TTIP et attaquer l’Allemagne

 

Le FN affirme davantage sa différence avec les autres partis sur deux dossiers : le TTIP et l’Allemagne. La parti veut mettre fin immédiatement aux « négociations secrètes » avec les États-Unis sur l’accord commercial transatlantique (TTIP) « qui, en imposant sur nos marchés des produits de mauvaise qualité à très bas prix, achèverait de détruire nos filières d’élevage tout en imposant toujours plus d’abaissement des normes quant à la sécurité alimentaire ». Quand droite et gauche traditionnelles veulent une réforme de la directive européenne sur le détachement des salariés étrangers, le FN préfère une solution plus radicale : « entamer une procédure pour dumping social contre l’Allemagne qui utilise massivement et dans des conditions lamentables la main-d’œuvre détachée dans l’agriculture et l’agroalimentaire, ce qui lui permet une guerre des prix à ses partenaires européens ». Sur le plan social, le parti propose aussi une « remise à plat de l’ensemble du système social de l’agriculture (…) de manière à faire baisser les cotisations des actifs sans baisser les retraites ». Mais il ne dit pas comment ni avec quel financement.

 

Enfin, les deux dernières propositions du FN visent à « mobiliser des fonds pour réinvestir massivement dans l’agriculture et l’agroalimentaire, comme l’État l’a fait pour Aréva par exemple », et à « mener une politique de structuration des filières axée sur la qualité, comme cela a été fait avec succès pour le vin », tant pour le marché intérieur qu’à l’export. Mais impossible d’en savoir davantage sur des mesures concrètes et leur financement.