Demain la résistance chrétienne
Jusqu’où un chrétien peut aller dans la Résistance à l’Injustice, à la transgression publique?
L’apôtre Pierre est formel : le chrétien doit être « soumis à toute autorité à cause du Seigneur » (I Pierre, 2, 13), quel que soit le parti, la religion, la couleur, les nuances ou l’absence de nuances dont fait preuve cette autorité. Voilà qui devrait nous mettre très loin de la résistance. « Tout pouvoir vient de Dieu, si bien que celui qui se rebelle contre l’autorité se rebelle contre l’ordre établi par Dieu » renchérit saint Paul dans l’Epître aux Romains (Rom. 13, 1).
Mais l’un et l’autre, Pierre comme Paul, restent soumis à cet impératif, formulé dans les Actes des apôtres par Pierre justement : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ».(Ac. 4, 19 et 5, 29). Le christianisme n’est pas un communautarisme. Il n’est pas une Loi, comme saint Paul nous l’a appris, interprétant l’Evangile du Christ. Les chrétiens doivent donc être soumis à l’autorité légitime, quelle que soit sa profession religieuse ou sa neutralité religieuse.
Mais en même temps, parfois, le chrétien peut et il doit désobéir, lorsque ce que recommandent les hommes est formellement en opposition avec ce que Dieu commande. La loi est la même pour tous et, que les hmmes le reconnaissent ou qu’ils ne le reconnaissent pas, elle vient de Dieu, qui « fait briller son soleil sur les méchants comme sur les bons ». Lorsque l’autorité politique promulgue cette loi éternelle, cette loi naturelle, en en faisant une loi humaine, le chrétien a le devoir d’obéir au Législateur quel qu’il soit, car « l’autorité est un instrument de Dieu pour te conduire au Bien » comme l’explique saint Paul (Rom. 13, 5). On comprend pourquoi il écrit à Timothée : « Je demande en tout premier lieu que l’on fasse des supplications, prières, intercessions, actions de grâce pour tous les hommes, pour les rois et les dépositaires de l’autorité, afin que nous puissions mener une vie calme et tranquille, en toute piété et religieuse dignité » (I Tim. 2, 1-2). Dans une perspective chrétienne, l’autorité politique, tout comme la loi humaine, n’est pas une fin, mais un moyen au service de la dignité des personnes, qui doivent pouvoir mener une vie de piété. Le grand juriste qu’était Tertullien revient de façon technique sur cette question : « Il ne suffit pas que la loi se rende à elle-même le témoignage intérieur de son équité. Il faut qu’elle la fasse connaître à ceux dont elle exige l’obéissance. Elle devient suspecte quand elle repousse l’examen. Elle est tyrannique, quand elle commande une soumission aveugle » (Apol. 4). Les chrétiens ont toujours souffert de l’absolutisme des lois humaines. Le même Tertullien souligne que, d’après la loi impériale, le chrétien n’a Demain, la résistance chrétienne même pas le droit d’exister. Peut-on admettre sans examen la loi qui vous interdit d’être ? Les chrétiens, à côté de la manière dont ils apparaissent soumis à l’autorité, ont une longue tradition d’examen des lois.
La loi républicaine supporte-t-elle l’examen ? En soi non. Une fois votée, elle s’affirme au dessus de toute critique. Alors que l’observation de la loi devrait être le moyen d’une vie digne, l’obéissance à la loi républicaine est représentée comme une fin en elle-même. Comme le stipule l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’homme de 1793, « la loi ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société ». Si l’on reprend les catégories de Tertullien, , repoussant tout examen, cette loi républicaine est suspecte et exigeant une soumission aveugle, elle est tyrannique.
Suspecte, et, pour lors, plus que suspecte. Voici ce qu’en dit Mgr Rey, l’évêque de Toulon, bien connu : “Tout est mis en oeuvre avec la complicité des médias et des lobbies, pour faire émerger une humanité nouvelle qui déconstruit la famille dite « traditionnelle » (Bulletin diocésain octobre 2012). Une humanité nouvelle qui a perdu le sens de la vie comme don, comme cadeau, comme miracle quotidien. Une humanité qui refuse de considérer que la vie est indisponible et qui impose la gratuité pour tous les avortements. Signe monstrueux : cette loi sera promulguée le 31 mars prochain. Et ce 31 mars, c’est le dimanche de Pâques, la fête de la vie, la fête du Ressuscité, vainqueur de la mort. Rendre l’avortement gratuit pour toutes le jour de la fête de Pâques, si ce n’est pas le signe de ralliement de ce que Jean-Paul II appelait « une immense conspiration contre la vie » (Evangelium vitae n°13, 17 et 18), alors, je ne sais pas ce que c’est. Même les personnes qui par extraordinaire seraient favorables à cette loi pour des raisons dites humanitaires ne peuvent pas ne pas voir que ce symbole, retenu par les artisans de cette loi inique, est un symbole théologique. Je veux dire : théologique à l’envers. Utiliser la fête de la Résurrection pour rendre gratuites les atteintes volontaires à la vie déjà conçue, c’est satanique. Le pape François a employé ce terme dans sa récente Lettre au Carmélites de Buenos Aires : « un plan satanique contre la vie ». Combien Jean- Paul II avait raison de dire de l’Eglise, au delà des limites étroitement confessionnelles ou dogmatiques : « C’est le peuple de la vie et pour la vie ». L’Eglise de Dieu c’est le peuple de tous ceux pour lesquels la vie est sacrée. Ceux qui croient en la vie, à un moment ou à un autre, croient en l’amour qui donne sens à la vie, et ils croient au Dieu d’amour qui EST et qui DONNE la vie.
Abbé Guillaume de Tanoüarn - paru dans 'SAINT PAUL PAR LETTRE' N°35